Publié sur Le Soir + le 1/08/2018
Une petite fille de deux ans a été tuée par un policier le 17 mai dernier, lors d’une course-poursuite visant à appréhender une camionnette remplie de migrants. Une gestion digne d’un tel drame aurait dû consister à présenter les excuses du gouvernement, les excuses de la police, à organiser une enquête sur les éléments qui ont poussé ce policier à utiliser son arme contre un véhicule et à instruire des responsabilités tant au niveau de la hiérarchie policière qu’au niveau de la politique migratoire menée par le gouvernement.
On a assisté à l’inverse.
Toutes les versions de tous les intervenants ont consisté à taire la vérité et à organiser l’impunité du tireur, de la police en général et du gouvernement en particulier.
Toujours pas inculpé
Le parquet de Mons a d’abord prétendu que la petite n’était pas morte par balle. Puis face à l’ampleur d’un tel mensonge, il a prétendu que c’était une erreur inexpliquée du médecin légiste. Une seconde version a tenté de rendre les parents responsables en prétendant qu’ils s’étaient servis de leur petite fille comme bouclier humain. Une troisième version a prétendu que le policier ne savait pas qu’il y avait des enfants dans la camionnette. Une quatrième et dernière version a été d’invoquer la légitime défense du policier.
Aujourd’hui le policier qui admet avoir tiré n’a toujours pas été inculpé. En pleine trêve estivale, le parquet annonce à la presse que le chauffeur de la camionnette a été arrêté en Angleterre. Cet Irakien de 25 ans devient subitement le principal suspect dans l’affaire. Le procureur général de Mons va jusqu’à faire de ce dernier le co-auteur du meurtre de Mawda. Que le conducteur de la camionnette ait été une petite main dans un réseau de passeurs, c’est indéniable, mais prétendre qu’il serait co-auteur de l’homicide, c’est une nouvelle tentative pour occulter la responsabilité politique dans cette affaire.
On pourrait sourire
Le parquet indique vouloir poursuivre ce conducteur pour « rébellion armée ». Il n’avait pas d’arme. Il n’a jamais été question d’une arme. Le syndicat de la police avait déclaré dans la presse qu’il pouvait s’agir de légitime défense de la part du policier, si on considérait que la camionnette aurait pu servir d’« arme par destination »… Devant de telles contorsions, on pourrait sourire. Sauf qu’ainsi le parquet s’engouffre dans une voie qui est celle de l’impunité : « Le policier devait tirer, il n’avait pas le choix, il était menacé par une camionnette en fuite. »
Et puis, ultime rebondissement, on apprend via la police française que la camionnette était connue de leurs services et tracée par une puce GPS. Il aurait donc suffi de la laisser continuer son chemin tranquillement et arrêter le chauffeur au premier parking. Au lieu de cela, une dizaine de voitures de police se sont lancées dans une course-poursuite dangereuse et insensée sur l’autoroute. Une petite fille est morte. Les victimes ont été traitées en criminels, arrêtées, détenues au cachot avec leurs enfants en bas âge. Deux familles victimes de trafic d’êtres humains sont traumatisées et toujours illégales, donc toujours à la merci des trafiquants. Des mineurs victimes ont été relâchés et ont disparu dans la nature. Le chauffeur de la camionnette lui-même a été relâché, avant d’être réarrêté en Angleterre. C’est sur ces éléments que doit porter l’enquête, qu’elle soit menée par le procureur, le juge, le comité P ou le Parlement.
http://www.justicepourmawda.be
Ces personnes apportent leur soutien à ce texte
Francine Bolle, Maître de conférences à l’ULB
Fabio Bruschi, chercheur à l’UCL
Fabienne Brion, criminologue à l’UCL
Beatriz Camargo, Chargée de missions – CRAcs
Anaïs Carton, militante
Véronique Clette-Gakuba, chercheuse à l’ULB
Grégory Cormann, professeur à l’ULiège
Andrew Crosby, chercheur à l’ULB
Julie Daliers, Formatrice CBAI – Centre Bruxellois d¹Action Interculturelle
Rachida El Baghdadi, éducatrice
Joël Girès, assistant en sociologie à l’ULB
Natasia Hamarat, sociologue à l’ULB
David Jamar, professeur en sociologie à l’UMons
Maryam Kolly, sociologue à l’USL-B
Guillermo Kozlowski. chargé de mission au Collectif formation-société à Bruxelles
Daniel Liebmann, Union des progressistes juifs de Belgique
Leila Mouhib, chercheuse à l’ULB
Thomas Perissino, philosophe
Elsa Roland, chercheuse à l’ULB
Nordine Saïdi, militant Decolonial
Sarah Sajn
Khadija Senhadji, anthropologue et militante
Céline Serrad, maman citoyenne
Martin Vander Elst, chercheur à l’UCL
Marianne Van Leeuw-Koplewicz, éditrice (Éditions du Souffle)
Graziella Van Loo, activiste dans les médias alternatifs.
Aurore Vermeylen, anthropologue à l’UCL
Youri Lou Vertongen, chercheur-politologue à l’USL-B
Luk Vervaet, ancien enseignant dans les prisons
Ludmila Vondràček, Chargée de cours-coordinatrice de stages EPFC-ULB-CCIB
Benedikte Zitouni, professeure de sociologie à l’USL-B
Bruxelles Panthères
http://plus.lesoir.be/170869/article/2018-08-01/mawda-ou-comment-limpunite-est-orchestree